A la gloire de Trump
Rarement un immeuble aura autant symbolisé la réussite d’un homme. Mais la Trump Tower, sur la Ve Avenue, à Manhattan, pourrait échapper à celui dont elle porte le nom. Dans le cadre d’un procès au civil commencé le 2 octobre et qui devrait durer jusqu’à Noël, Donald Trump, bien placé pour devenir le candidat républicain à la présidentielle de 2024, est accusé par l’Etat de New York d’avoir considérablement gonflé la valeur de ses actifs afin d’obtenir des prêts plus avantageux auprès des banques – ce qu’il réfute. L’ancien président des Etats-Unis (2017-2021) pourrait être contraint de se séparer de sa précieuse tour de verre qui abrite le siège de son groupe et le penthouse dans lequel il a vécu plus de trente ans. Ce triplex au décor surchargé et clinquant constitue un des éléments-clés de la plainte de la procureure démocrate, qui dénonce une « augmentation massive et frauduleuse de la valeur » de l’appartement.
Promesse non tenue et procès
L’histoire raconte que Donald Trump lorgnait de longue date cette adresse située à un jet de pierre de Central Park, avec pour voisin direct le bijoutier Tiffany et où le magasin de luxe Bonwit Teller était installé. En 1979, le magnat de l’immobilier rachète le bâtiment réputé pour sa façade Art déco. Malgré sa promesse de céder des éléments sculptés au Metropolitan Museum of Art, il fera table rase du passé. Le milliardaire sera aussi accusé d’avoir sous-payé et fait travailler dans des conditions de sécurité dangereuses des ouvriers polonais sans papiers – il versera plus de 1 million de dollars pour mettre fin au procès, en 1998. Dessiné par l’Américain Der Scutt, le gratte-ciel compte cinquante-huit étages – même si le dernier est numéroté 68. A l’entrée, les lettres géantes « Trump Tower » surplombent deux portes à tourniquet qui donnent sur un immense atrium ouvert au public et revêtu de marbre rosé.
Un monument de la pop culture
A son inauguration, en 1983, le joyau de l’empire Trump devient un lieu à la mode. Les prix s’envolent et les stars affluent – Steven Spielberg dans un bureau, Michael Jackson dans un appartement. Au fil du temps, le bâtiment entre dans le patrimoine new-yorkais. En 1997, le gratte-ciel s’élance fièrement au centre de la jaquette du jeu vidéo Grand Theft Auto avec une voiture de police à ses pieds. Si la tour de verre fait aussi quelques apparitions au cinéma, elle connaît son plus grand succès sur petit écran, en servant de décor à The Apprentice, l’émission de télé-réalité présentée par Donald Trump de 2004 à 2015. C’est dans une salle de réunion fictive de l’immeuble que résonne à la fin de chaque épisode le désormais célèbre « you’re fired ! » (« vous êtes viré ! ») lancé par l’animateur à l’un des candidats.
Un destin politique
En 2015, le milliardaire choisit la Trump Tower comme QG de campagne et fête sa victoire dans son triplex, qui occupe les derniers étages du building. Le 45e président des Etats-Unis s’installe par la suite à la Maison Blanche, mais il y revient régulièrement avant de faire de Mar-a-Lago, en Floride, sa résidence principale. Pendant sa présidence, le pied de la tour devient le point de ralliement de ses opposants. Depuis sa défaite, en 2020, le lieu a perdu de sa splendeur. Il est toujours possible d’y manger un burger au Trump Grill, de siroter un latte au Trump Cafe ou de faire de (chères) emplettes au Trump Store, mais ce n’est plus la foule des grands jours. Si Gucci a récemment prolongé le bail de sa boutique sur rue, d’autres ont préféré s’éloigner. Même Starbucks a déménagé. Il ne manquerait plus que les dix lettres dorées qui trônent à l’entrée soient décrochées.