« Arrêtez de nous tuer ! Le peuple veut vivre ! », ont scandé, mercredi 2 août, près de deux cents personnes rassemblées dans la ville de Guaruja, sur le littoral de l’Etat de Sao Paulo, où se déroule, depuis le 28 juillet, une sanglante opération policière. Au lendemain de l’assassinat du policier Patrick Bastos Reis, lors d’une patrouille, la police de l’Etat de Sao Paulo a déployé six cents effectifs dans la zone, laissant dans son sillage un bilan de seize morts parmi la population. C’est une « opération de vengeance », assurent des habitants.
Depuis une semaine, au moins quarante-cinq personnes ont été tuées dans le pays, dans le cadre de différents raids policiers au Brésil. Le jour de l’opération à Guaruja, l’Etat de Bahia, dans le nord-est du pays, a lancé une action simultanée des forces de l’ordre contre le narcotrafic dans trois villes, tuant dix-neuf personnes. Cinq jours plus tard, une incursion de la police contre des factions criminelles, dans le complexe de Penha, un groupe de favelas à Rio de Janeiro, a laissé derrière elle dix cadavres. Les écoles du quartier ont dû fermer, privant trois mille élèves de cours.
« Il y a eu une réaction immédiate [des forces de l’ordre] qui semble disproportionnée par rapport au crime commis », a reconnu Flavio Dino, le ministre de la justice, interrogé par des journalistes sur l’opération à Guaruja, le 31 juillet, à la sortie du palais du Planalto. A Sao Paulo, le bureau du médiateur de la police a reçu de multiples plaintes pour homicides, tortures et menaces de la part des habitants. « L’important est de garantir que les enquêtes [sur chaque mort ] aient lieu », a estimé M. Dino.
Dix-sept morts par jour
Les déclarations du ministre ne suffisent toutefois pas à rassurer les défenseurs des droits humains. « Ces opérations [policières] nous inquiètent beaucoup », explique David Marques, coordinateur du Forum brésilien de la sécurité publique, une ONG qui recueille, entre autres, des statistiques sur les violences policières. « Nous notons une utilisation systématique de l’usage abusif de la force chez certaines forces de police », précise-t-il. Selon les statistiques de l’ONG, plus de 6 429 personnes ont été tuées par la police au Brésil en 2022, soit une moyenne de dix-sept personnes par jour.
Le 25 mai 2022, l’un de ces cas avait particulièrement ému le Brésil : la mort de Genivaldo de Jesus Santos, un homme noir de 38 ans, atteint de schizophrénie, asphyxié après avoir été placé dans le coffre d’une voiture par la police, dans lequel une grenade de gaz lacrymogène avait été jetée. Une vidéo le montrant à l’agonie était devenue virale sur les réseaux sociaux, provoquant des manifestations contre les violences policières et le racisme.
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