Aux Etats-Unis, les croisés de la natalité

C’est une entrée en matière peu commune. « J’espère que votre article sur nous sera bien salé », lâche très sérieusement Malcolm Collins, à peine installé sur son canapé de velours bleu roi. Son épouse, Simone, opine du chef : « Les choses tièdes n’intéressent pas. » Avec leurs lunettes noires épaisses – carrées pour lui, rondes pour elle – et leur look de geeks branchés, les Collins ne ressemblent pas à de dangereux agitateurs. Mais les deux trentenaires – il a 36 ans, elle, 35 – sont en croisade pour faire vivre le mouvement pronataliste, dont ils se veulent la face respectable. Depuis des mois, ils alertent sur la catastrophe qui s’annonce, selon eux, à savoir « l’effondrement démographique » de la civilisation. Leur credo : encourager les gens à faire le plus d’enfants possible.

Les époux reçoivent dans leur maison en pierre de style colonial, à une heure de route de Philadelphie, en Pennsylvanie. Le soleil automnal pénètre par les larges vitres de leur véranda. Leurs trois petits sont encore à la crèche. Tricycle et camions de pompiers patientent devant les étagères de jouets. Après plusieurs articles dans la presse américaine et internationale, la communication des Collins se veut au cordeau.

On a affaire à des têtes bien faites – il est diplômé de Stanford (Californie), elle de Cambridge (Grande-Bretagne). Selon eux, un « effondrement démographique » est donc à venir et ses conséquences économiques et sociales seraient catastrophiques. « Notre espèce est en train de mourir », écrivaient-ils en janvier dans une tribune envoyée au New York Post. Avec son débit de mitraillette, Malcolm Collins, polo noir sur jeans brut, pourrait en parler des heures. « Collectivement, l’Amérique latine est déjà passée sous le seuil de remplacement des générations, l’Inde vient de franchir cette barre, la Chine est bien au-dessous… », expose-t-il. Soit 2,1 enfants par femme, le seuil fatidique au-dessous duquel une génération ne peut se renouveler.

En vogue dans les milieux de la tech

Les Collins n’ont pas inventé le terme « pronataliste », utilisé depuis longtemps pour décrire des politiques gouvernementales mises en place pour favoriser la natalité. Celui-ci renvoie aussi à des groupes disparates, religieux ou non, extrémistes, qui ont en commun leurs positions en faveur d’une forte natalité et que l’on trouve aux Etats-Unis parmi les anti-avortements, les nationalistes chrétiens, les juifs ultra-orthodoxes ou les suprémacistes blancs.

La version des Collins, en vogue dans les milieux de la tech, se veut au contraire ouverte, moderne et scientifique. Pour faire entendre ses différences, le duo cultive l’art de la polémique. C’est en Corée du Sud, quand il travaillait il y a une dizaine d’années pour une société de capital-risque, que Malcolm Collins dit avoir pris la mesure du phénomène : « La Corée du Sud a un taux de fécondité de 0,79-0,8. Cela signifie que, pour cent Sud-Coréens en vie aujourd’hui, il y aura 6,4 arrière-petits-enfants. Aucune économie ni culture ne peuvent survivre avec un tel déclin démographique. » Et de faire remarquer que les Etats-Unis sont aujourd’hui dans la situation démographique « dans laquelle se trouvait la Corée dans les années 1990 ».

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