comment le ballon rond est passé du domaine du sport à celui du divertissement

Le football professionnel européen est une oligarchie. Un système dans lequel une poignée de clubs riches captent l’essentiel des ressources et les meilleurs joueurs. Une machine à produire des inégalités, où les résultats sportifs sont toujours plus étroitement corrélés à la puissance financière, où la logique de spectacle l’emporte sur celle de compétition.

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A l’heure où un débat sur le besoin de réformer ce sport commence à se consolider, il est essentiel de s’interroger sur l’ensemble des mécanismes qui ont conduit à la situation dans laquelle il se trouve. C’est cet inventaire que le cofondateur et rédacteur en chef des Cahiers du football, par ailleurs chroniqueur au Monde, propose dans Ce que le football est devenu. Trois décennies de révolution libérale (Divergences, 200 pages, 15 euros).

Nombreux sont ceux qui déplorent aujourd’hui cette dérive. L’épisode de la Super Ligue, en avril 2021, l’a rappelé. Ce projet de championnat privé et fermé, fruit de la sécession de douze formations parmi les plus puissantes du continent, aurait dû être l’aboutissement de ce modèle. Il a suscité une levée de boucliers sans précédent, conduisant à l’abandon du projet. « C’est un peu comme si le football était passé devant un miroir pour la première fois depuis vingt-cinq ans et qu’il avait poussé un cri d’effroi en se voyant », écrit Jérôme Latta.

Des « entreprises comme les autres »

Bien sûr, « il y a toujours eu de l’argent dans le football » et celui-ci « a toujours posé problème », reconnaît le journaliste. Mais la croissance économique amorcée au tournant des années 1990 par l’explosion des droits TV a provoqué un changement de paradigme. Très vite, les appels d’offres ne sont plus pensés pour le public mais pour les diffuseurs, avec une litanie de conséquences : « Accès dispersé et payant, reconfiguration des compétitions et des calendriers, encouragement à la starification des joueurs et des équipes, mise en scène spectaculaire, immixtion des dispositifs télévisuels dans le jeu, etc. »

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Le football s’est transformé en une industrie de divertissement, dont la manne est répartie en fonction de l’attractivité sur le marché. Dans ce contexte, les clubs sont devenus des « entreprises comme les autres », pour reprendre le mantra cher à Jean-Michel Aulas, président de l’Olympique lyonnais entre juin 1987 et mai 2023. Faute de défendre une spécificité du sport, leur capital a été ouvert à toutes sortes d’investisseurs, faisant du football l’instrument de desseins qui lui sont étrangers. Les stades, eux, sont réduits « à des centres de profit », les footballeurs « à des actifs spéculatifs » et les spectateurs « à des consommateurs », résume Jérôme Latta.

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