Jacques Chonchol, père de la réforme agraire au Chili, est mort

Est-ce la petite musique du révisionnisme historique planant sur les commémorations du cinquantième anniversaire du 11 septembre 1973 qui a eu raison de sa longévité ? Les élucubrations de quelques intellectuels attribuant la responsabilité du coup d’Etat chilien à la gauche ont-elles fini par le lasser de notre monde ? Jacques Chonchol, ancien ministre de Salvador Allende sous le gouvernement d’Unité populaire, est mort le 5 octobre, à l’âge de 97 ans, au terme d’une vie d’engagement. Le président chilien, Gabriel Boric, lui a immédiatement rendu hommage, soulignant sa « trajectoire consacrée à donner de la dignité aux paysans » de son pays, et a décrété un deuil national.

Né à Santiago, en 1926, d’un père français, médecin, émigré au Chili avant la première guerre mondiale, et d’une mère argentine, il grandit dans une famille agnostique, mais se convertit, adolescent, au catholicisme. Lecteur précoce de Jacques Maritain (Humanisme intégral, 1936) et surtout d’Emmanuel Mounier (Le Personnalisme, 1950), il suit un cursus d’agronomie à l’université du Chili, où il fait ses premières armes militantes parmi les réseaux sociaux-chrétiens qui donnent naissance, en 1957, au Parti démocrate-chrétien (PDC).

Après avoir complété sa formation en France, puis au Royaume-Uni, un temps tenté par une carrière de viticulteur et d’œnologue, il devient une figure importante de la pensée du développement en Amérique latine, fréquentant des intellectuels aussi divers que le père dominicain Louis-Joseph Lebret, l’agronome René Dumont ou les économistes Charles Bettelheim et Celso Furtado.

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Spécialiste reconnu de la question agraire, il travaille pour diverses institutions chiliennes et pour la Commission économique pour l’Amérique latine. Entre 1959 et 1961, il mène une mission de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) à Cuba, qui lui permet de rencontrer Fidel Castro et Ernesto « Che » Guevara. Une fois la démocratie chrétienne parvenue au pouvoir au Chili, en 1964, il est nommé vice-président exécutif de l’Institut de développement agricole.

Auteur du « Développement de l’Amérique latine et la réforme agraire » (« El Desarrollo de America latina y la reforma agraria », Revista mexicana de sociologia, vol. 29, nº 2, avril-juin 1967, non traduit), il s’affirme comme l’un des maîtres d’œuvre de la loi de 1967 qui ouvre la voie à une réforme agraire. En 1969, il rompt toutefois avec le PDC, jugé trop conservateur, et est l’un des membres fondateurs du Mouvement d’action populaire unitaire (MAPU), qui soutient la coalition d’Unité populaire, menée par Salvador Allende qui remportera l’élection présidentielle en septembre 1970.

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