Le parc national Soberania qui longe le canal de Panama déborde de verdure. De fines cascades dévalent les rochers. Difficile de croire que le petit pays centraméricain traverse une sécheresse sans précédent. « Regardez, l’eau devrait arriver à la ligne jaune, il manque plus de 2 mètres », soupire l’ingénieur Nelson Guerra en pointant la paroi de l’écluse de Pedro Miguel, à une dizaine de kilomètres de l’entrée du canal sur l’océan Pacifique.
Il pleut normalement huit mois par an, de mai à décembre. Mais cette année, les pluies se sont fait attendre et restent maigrelettes. Or, à la différence du canal de Suez qui est à niveau entre deux mers et ne peut donc s’assécher, celui de Panama comporte un lac artificiel, le lac Gatun, à 26 mètres au-dessus de la mer, qui se remplit à l’eau douce.
Pour faire face au manque d’eau, les autorités ont décidé de restreindre le transit de 40 à 32 navires par jour et de diminuer le tirant d’eau autorisé de 50 à 44 pieds (de 15 à 13 mètres). En clair, moins de bateaux traversent la voie d’eau de 80 kilomètres qui relie l’océan Pacifique à l’Atlantique, et ils la traversent moins chargés.
Les mesures, annoncées fin juillet, devraient durer un an. « Elles sont destinées à maintenir la confiance de nos clients, en leur permettant de mieux planifier leurs opérations », indique le communiqué de l’Autorité du canal de Panama (ACP), l’entreprise publique autonome qui gère la voie d’eau. « Elles ont été prises en prévision d’une année 2024 qui s’annonce très sèche, a précisé Ilya Espino, administratrice adjointe du canal. Si les pluies de septembre, octobre et novembre suffisent à remplir le canal, elles seront évidemment suspendues. »
L’ACP se veut rassurante. Mais les compagnies maritimes et leurs clients, les économistes et les gouvernements s’interrogent sur l’impact économique de ces restrictions au trafic maritime. Elles menacent les étalages de Noël et les taux d’inflation partout dans le monde. « Nous sommes en haute saison, rappelle Victor Vial, vice-président financier de l’ACP. C’est maintenant que passent les cargaisons en prévision des fêtes de fin d’année. »
Des dizaines de navires parqués dans le bleu des océans
En 2022, quelque 518 millions de tonnes de marchandises ont transité par cette voie interocéanique, soit plus de 5 % du commerce maritime mondial. Le canal se targue de connecter « 180 routes maritimes entre 1 920 ports de 170 pays ». Plus de 14 000 navires y transitent à l’année. Les deux grandes routes commerciales qui en dépendent sont celles qui vont de l’Asie à la côte est des Etats-Unis, et de la côte ouest de l’Amérique latine à la côte est des Etats-Unis. En flux de cargaison, ses principaux utilisateurs sont donc, sans surprise, les Américains et les Chinois.
Il vous reste 83.82% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.