L’Equatorien Jan Topic, qui a 40 ans et de l’argent, veut devenir président de son pays. Il a été membre de la Légion étrangère française et il ne parle que de sécurité. Face à sept autres candidats, dans un pays déboussolé, ce partisan de la manière forte pourrait créer la surprise dimanche 20 août, au premier tour de l’élection présidentielle anticipée en Equateur, qui se tient en même temps que les législatives. L’assassinat par balles, le 9 août, de l’un des concurrents, Fernando Villavicencio, à la fin d’un meeting, onze jours avant le scrutin, est venu bouleverser la campagne et tous les pronostics.
Guillermo Lasso, le président sortant, a décidé, en mai, de dissoudre l’Assemblée nationale, qui voulait le juger pour malversation et le destituer. Il a préféré écourter son propre mandat et il n’est pas candidat à sa réélection.
Le meurtre de M. Villavicencio a été attribué par la police à un groupe de tueurs colombiens. « La violence s’est brutalement imposée comme le grand électeur du scrutin, note Pedro Donoso, directeur de l’agence de communication Icare. C’est un fait nouveau en Equateur et les analystes sont encore démunis pour le comprendre. » Les autorités équatoriennes attribuent aux cartels de narcotrafiquants l’explosion de violence que connaît le pays depuis cinq ans. « Comment en sommes-nous arrivés là ? », s’interrogent les Equatoriens.
« Le crime commis contre Fernando Villavicencio n’est malheureusement qu’un crime parmi d’autres », constate Carla Alvarez, de l’Institut des hautes études nationales, en rappelant que 29 candidats ont été tués lors des élections locales de février et que le maire de la ville de Manta a été assassiné en juillet. Entre 2018 et 2022, le nombre d’homicides a quadruplé, passant de 1 118 à 4 603, et il a dépassé la barre des 3 000 au cours des six premiers mois de 2023. Les prisons sont devenues le théâtre de massacres à répétition. Plus de 500 prisonniers ont été assassinés en détention depuis 2018.
« Pays de transit »
« La violence nous est tombée dessus comme une épidémie de peste », soupire Maria Guamani, qui vend des journaux dans la rue, en montrant la photo d’une main coupée dans une mare de sang publiée par un quotidien local. « L’augmentation de la violence n’est pas seulement quantitative, précise Carla Alvarez. Jamais nous n’avions vu ici en Equateur ces images de cadavres pendus, mutilés ou incinérés. » Perchée dans les Andes, la capitale, Quito, reste très largement épargnée par la violence. Le grand port de Guayaquil, d’où partent des tonnes de cocaïne clandestine, en est devenu l’épicentre. Plus de 40 % des assassinats du pays y sont commis. « Guayakill », écrivent les graffeurs.
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