L’inéluctable heure de vérité pour la démocratie aux Etats-Unis

Au fur et à mesure que s’accumulent les inculpations de Donald Trump, la démocratie aux Etats-Unis se rapproche d’un inéluctable instant de vérité. La troisième en quatre mois, qui a été signifiée à l’ex-président le 1er août, est de très loin la plus grave. Il s’agit, ni plus ni moins, de celle de « complot contre l’Etat ».

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C’est ainsi que le procureur spécial Jack Smith a qualifié la tentative de l’ancien homme d’affaires de s’accrocher au pouvoir en arguant sans la moindre preuve que la victoire à la présidentielle de 2020 de son adversaire démocrate, Joe Biden, était due à une fraude massive. Ce coup de force a culminé le 6 janvier 2021 avec un assaut de militants trumpistes chauffés à blanc contre le Capitole, où devaient être certifiés les résultats définitifs de l’élection.

Une quatrième inculpation pourrait viser prochainement Donald Trump, mais elle ne sera, si elle se matérialise, qu’une déclinaison de l’accusation la plus lourde que l’on puisse imaginer dans une démocratie. Elle ne concerne en effet que son rôle présumé dans les pressions exercées pour inverser les résultats dans l’Etat-clef de Géorgie.

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Pour la première fois, mais il est vrai que la carrière politique de l’ex-président est tissée de précédents dévastateurs pour son pays, un locataire de la Maison Blanche est mis en cause pour des faits perpétrés pendant son mandat. Ce n’est pourtant pas ce détail qui rend l’inculpation du 1er août dramatique pour les institutions américaines. Ce qui est en jeu est l’un des piliers de la démocratie aux Etats-Unis : le transfert pacifique du pouvoir à l’issue d’élections. C’est à cela que Donald Trump s’est frontalement et ouvertement attaqué.

Comme si la situation n’était pas assez sérieuse, l’accusation de complot contre l’Etat concerne en outre l’homme qui domine aujourd’hui de la tête et des épaules la course à l’investiture présidentielle républicaine. Ce dernier pourrait donc prétendre revenir à la Maison Blanche en janvier 2025, sans avoir jamais exprimé le moindre regret, et encore moins formulé la moindre excuse pour la plus grave mise à l’épreuve des équilibres politiques américains depuis la guerre de Sécession (1861-1865).

Aveuglement

Cette menace est réelle. Des enquêtes d’opinion montrent Donald Trump au coude-à-coude avec le président sortant qui, de manière inéluctable, accuse de plus en plus son âge, 80 ans. Manifestement, qu’importe le sort de la démocratie pour les électeurs républicains qui vouent à Donald Trump un véritable culte. Qu’importe si son équipe de campagne a déjà dépensé 40 millions de dollars, collectés grâce à des dons, en frais d’avocats, alors qu’aucun procès n’a encore commencé. Qu’importe enfin si en 2024 l’ex-président pourrait passer plus de temps à se défendre qu’à défendre un programme pour les Etats-Unis.

Cet aveuglement ne laisse pas d’inquiéter. Il dépasse le seul affaissement d’un Parti républicain incapable de s’affranchir de la peur que lui inspire cette base trumpiste. Aucune voix républicaine ne s’est élevée le 1er août pour s’indigner de la comparaison grotesque faite par l’équipe de campagne du multi-inculpé entre le libre cours de la justice dans un Etat démocratique et la terreur nazie ou soviétique.

En 1954, l’avocat de l’armée Joseph Welch avait mis au jour l’imposture du maccarthysme en demandant à son instigateur, le sénateur Joseph McCarthy, au cours d’une audition historique, s’il avait perdu « tout sens de la décence ». Que faudra-t-il aujourd’hui pour remettre en cause ce silence complaisant ?

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Le Monde

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