Tricia Cotham, l’élue démocrate devenue républicaine qui a fait basculer la majorité en Caroline du Nord

Il y a l’histoire connue du grand public : Tricia Cotham, élue sous l’étiquette démocrate à la Chambre des représentants de Caroline du Nord en janvier 2023, a annoncé rallier les républicains trois mois après son entrée en fonction. Et puis il y a l’histoire révélée le 30 juillet par le New York Times : Mme Cotham a été encouragée en privé à se présenter et a été soutenue pendant la campagne électorale par des membres influents du Parti républicain.

La victoire de Mme Cotham – remportée avec une avance de 18 points – devait, en théorie, permettre aux démocrates de priver les républicains, à un siège près, de la majorité qualifiée à la Chambre des représentants de l’Etat. En réalité, l’élue de 44 ans a fait pencher la balance en faveur des conservateurs. En mars, quelques jours avant de changer de camp, elle n’a pas participé à un vote crucial sur le contrôle des armes à feu, aidant ainsi les républicains à assouplir les restrictions en vigueur. En mai, elle s’est prononcée en faveur d’un projet de loi limitant le droit à l’avortement à douze semaines. Elle a aussi voté un texte visant à interdire les soins d’affirmation de genre pour les mineurs transgenres.

Sans surprise, Tricia Cotham a reçu une « standing ovation » lors de la convention républicaine de Caroline du Nord, en juin. Elle a été invitée à y rencontrer en privé le gouverneur de Floride et candidat à l’investiture républicaine pour la présidentielle de 2024, Ron DeSantis, ainsi que l’ancien vice-président, Mike Pence. « C’est une rockstar parmi les militants », a déclaré Dan Bishop, l’un de ses collègues républicains à la Chambre des représentants de l’Etat.

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Manque de considération

C’est peu dire que les démocrates sont tombés de leur chaise. Mme Cotham est issue d’une famille aux convictions progressistes. Etudiante, elle s’est engagée comme bénévole pour la campagne présidentielle de Bill Clinton. En tant qu’élue démocrate – elle a siégé une première fois à la Chambre des représentants de Caroline du Nord de 2007 à 2017 –, elle s’est farouchement opposée aux idées du Parti républicain : elle a plaidé en faveur d’une hausse des impôts pour les plus riches ; elle a critiqué les charter schools (des écoles publiques gérées et financées en partie par des acteurs privés) ; elle s’est battue contre un projet de loi empêchant les personnes transgenres d’utiliser les toilettes en accord avec leur identité de genre ; elle a régulièrement défendu le droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG).

De nombreux électeurs se disent trahis et en colère du fait de son changement d’allégeance politique. Dans un communiqué transmis au New York Times, Mme Cotham s’est défendue en assurant avoir tenu de nombreuses promesses électorales : « J’ai fait campagne pour l’expansion du Medicaid [programme qui fournit une assurance maladie aux personnes à faibles ressources]. J’ai fait campagne pour soutenir les enfants, le logement, des communautés plus sûres, une économie forte. »

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Quels sont les motifs du divorce entre Tricia Cotham et le Parti démocrate ? Selon plusieurs sources interrogées par le journal américain, la rancœur de l’élue ne serait pas récente. Celle-ci aurait notamment souffert de ce qu’elle considérait comme un manque de considération au sein du parti. « Elle était jalouse que d’autres [élus démocrates] soient adulés », croit savoir Lacey Williams, qui fut pendant longtemps amie avec Mme Cotham. Une analyse de la situation que la principale intéressée dément.

Des alliés politiques, anciens et actuels, décrivent une personne qui s’est progressivement éloignée des responsables et des idéaux du Parti démocrate. Une fêlure que des membres du Grand Old Party (GOP) auraient savamment élargie et approfondie au fil du temps.

Lutte contre un Covid long

En 2017, elle se retire de la politique pour faire du lobbying, principalement dans le domaine de l’éducation. Pendant plusieurs années, elle défend les charter schools qu’elle dénonçait auparavant avec force. En 2022, elle suscite l’étonnement en se présentant à l’investiture démocrate pour l’élection à la Chambre des représentants de Caroline du Nord, quelques heures avant la date limite de dépôt des candidatures et alors que trois personnes sont déjà dans la course. Ce retour en politique surprend d’autant plus qu’elle lutte depuis des mois contre un Covid long, qu’elle a évoqué sur Twitter et dans des médias.

Pendant la campagne, la candidate reçoit des SMS d’encouragement de la part de membres du Parti démocrate et de divers soutiens – des messages restés pour la plupart sans réponse. D’après un texto envoyé à une collaboratrice et que le New York Times a pu consulter, Mme Cotham était furieuse que Lillian’s List, une organisation qui défend le droit à l’avortement, l’ait « vraiment baisée » en soutenant un autre candidat à la primaire démocrate. Une fois investie, elle continue d’ignorer les propositions d’aides émanant de son camp.

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En parallèle, elle reçoit bien volontiers les conseils d’éminents représentants du Parti républicain. Parmi eux, John Bell, le chef de la majorité républicaine à la Chambre des représentants de Caroline du Nord. « Je l’ai encouragée à se présenter parce qu’elle était une très bonne représentante [lors de ses précédents mandats] », s’est souvenu M. Bell, interviewé par le New York Times. « C’est quelqu’un avec qui j’ai compris que nous pouvions travailler », a pour sa part justifié Tim Moore, le président de la Chambre, en affirmant qu’il ne savait pas, à ce moment-là, que Mme Cotham changerait de parti. Un élément permet cependant de mettre en doute la sincérité du propos : les deux principaux donateurs de sa campagne sont la North Carolina Dental Society et la North Carolina Health Care Facilities Association, qui subventionnent presque exclusivement des candidats républicains. « Ces groupes m’honorent de leur soutien depuis des années », a soutenu Mme Cotham.

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Toujours est-il que, après le scrutin, le fossé entre l’élue et son parti d’origine n’a fait que se creuser. Mme Cotham a confié à son ancien conseiller de campagne que les autres démocrates la traitaient comme une nouvelle venue à son retour à la Chambre des représentants. En annonçant son changement de parti, Tricia Cotham a par ailleurs dit avoir été ostracisée par sa famille politique et qu’elle devait se conformer à l’orthodoxie d’un parti devenu « méconnaissable » et opposé à « la libre-pensée ». Autant d’accusations qui laissent les membres du Parti démocrate aussi abasourdis qu’impuissants.

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