La peau tannée par le soleil brûlant, Wilmer Alberto Mena contemple les quelques cocaïers encore debout. Sa parcelle se trouve en lisière de la forêt amazonienne, dans le département colombien du Guaviare. « Les gouvernements précédents nous ont bien bernés, enrage-t-il. La coca permettait, au moins, de manger. » Comme tous les paysans de la région, Wilmer Alberto a arraché ses cocaïers – l’arbuste dont on tire la cocaïne – après l’accord de paix signé en 2016 avec la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC).
Le texte prévoyait une ambitieuse politique de substitution des cultures illicites. « L’aide qu’on nous a promise pour mettre en place un nouveau projet productif n’est jamais arrivée, fustige le paysan. Petro a dit que les choses allaient changer. C’est bien. Mais nous, on attend de voir pour croire. » Premier président de gauche élu en Colombie, Gustavo Petro a promis une nouvelle politique de lutte contre le trafic de drogue. Elle devrait être annoncée à l’occasion d’une conférence internationale qui se tiendra, jeudi 7 et vendredi 8 septembre, dans la ville de Cali, en présence de son homologue mexicain, Andrés Manuel Lopez Obrador.
Au pouvoir depuis déjà un an, Gustavo Petro l’a dit en campagne et le répète depuis son entrée en fonction, le 7 août 2022 : la guerre contre la drogue, imposée et financée par Washington, est un échec. En septembre 2022, le chef de l’Etat interrogeait à la tribune de l’ONU : « Qu’est-ce qui est plus dangereux pour l’humanité : la cocaïne ou le pétrole et le charbon ? » Sa grande ambition, la « paix totale » pour son pays, passe notamment par une politique de négociation avec les groupes armés qui vivent des trafics illicites.
« Petro n’est pas le premier chef d’Etat ni le seul à constater que la guerre contre les drogues est un échec et à promouvoir une politique intégrale, rappelle Estefania Ciro, directrice de la fondation A la orilla del rio (Sur les rives du fleuve). Même les démocrates américains sont aujourd’hui favorables à une inflexion de la politique antidrogue. » Le prédécesseur de Gustavo Petro, Ivan Duque (2018-2022, droite), avait, lui, opté pour une politique très répressive, en tentant – sans succès – de reprendre les épandages aériens de glyphosate, suspendus depuis 2015 par une décision de la Cour constitutionnelle, et en déployant l’armée dans le Guaviare, sous couvert de lutte contre la déforestation. « Petro ne nous envoie pas les militaires pour nous bombarder, c’est déjà ça », admet Wilmer Alberto Mena.
Il vous reste 70.39% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.