les principales enquêtes judiciaires qui menacent l’ex-président américain

les principales enquêtes judiciaires qui menacent l’ex-président américain

Donald Trump est de nouveau rattrapé par les affaires. Lundi 14 août, l’ex-président américain a été officiellement inculpé pour ses tentatives d’inverser le résultat de l’élection présidentielle de 2020 dans l’Etat de Géorgie.

Avec quatre inculpations pénales en moins de six mois – et des procès à la clé –, ses ambitions présidentielles pourraient être freinées, tant les accusations qui pèsent sur lui sont graves et nombreuses.

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La tentative d’entraver la présidentielle de 2020 en Géorgie

Inculpation étatique

Après deux ans et demi d’enquête et avec l’accord d’un grand jury, la procureure de district du comté de Fulton (Géorgie), Fani Willis, a inculpé, lundi 14 août, Donald Trump et dix-huit autres personnes pour avoir tenté de renverser le résultat de l’élection présidentielle de 2020 dans l’Etat-clé de Géorgie. Parmi les dix-huit autres inculpés, on trouve notamment le conseiller de M. Trump et ancien maire de New York Rudolph Giuliani, son ancien chef de cabinet, Mark Meadows, et un responsable du ministère de la justice sous son administration, Jeffrey Clark.

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Une enquête criminelle avait été ouverte le 10 février 2021 pour déterminer si Donald Trump avait tenté de faire pression sur le secrétaire d’Etat de Géorgie, le républicain Brad Raffensperger. Le 2 janvier 2021, lors d’une conférence téléphonique, révélée par la presse dès le lendemain, M. Trump semblait vouloir convaincre son interlocuteur de changer les résultats de l’élection en Géorgie, Etat qu’il a perdu face à Joe Biden. M. Trump a déclaré à M. Raffensperger : « Je veux juste trouver 11 780 voix », ce qui correspondait au nombre de bulletins qui lui manquait pour gagner l’ensemble des grands électeurs attachés à cet Etat.

Cet appel intervenait après l’échec de tous les recours juridiques de l’équipe Trump devant les tribunaux, les multiples audits et recomptages des voix n’ayant montré aucune trace de fraude électorale massive. Cette conversation faisait également suite à de multiples appels au gouverneur de Géorgie, Brian Kemp, ainsi qu’à des demandes publiques faites à M. Raffensperger, à des menaces de vengeance politique, à des critiques publiques et à des appels à la démission du gouverneur Kemp.

L’acte d’accusation de 98 pages, rendu public le 14 août, « affirme qu’au lieu de se conformer au processus juridique de la Géorgie pour les contentieux électoraux, les prévenus se sont livrés à une entreprise criminelle en bande organisée pour inverser le résultat de l’élection en Géorgie », a résumé Mme Willis. L’acte contient au total quarante et un chefs d’accusation différents, dont « fausses déclarations et faux documents, usurpation de fonction publique, faux et usage de faux », pressions sur des témoins, une série de délits informatiques ou encore parjure. Donald Trump devra personnellement faire face à treize chefs d’accusation.

Les dix-neuf prévenus sont inculpés en vertu d’une loi en vigueur en Géorgie sur l’extorsion et l’association de malfaiteurs, qui s’applique en général à la criminalité organisée, et prévoyant des peines de cinq ans minimum à vingt ans de prison. La procureure a annoncé vouloir juger tous les prévenus lors d’un même procès « dans les six mois », mais a rappelé que la date en serait fixée par le juge.

Si elle s’ajoute à trois inculpations fédérales, cette inculpation étatique revêt une certaine importance. S’il était condamné et parvenait à remporter la présidentielle en 2024, M. Trump ne pourrait ni se gracier lui-même ni obtenir l’abandon des poursuites par le bureau du procureur. Il s’agit en effet d’une affaire au niveau de l’Etat de Géorgie sur laquelle l’Etat fédéral n’a pas autorité.

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Le rôle de Donald Trump dans l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021

Inculpation fédérale

Il s’agit des accusations les plus sérieuses portées contre l’ex-chef d’Etat, d’autant plus graves qu’il était alors en exercice. M. Trump a été entendu devant le tribunal fédéral de Washington, jeudi 3 août, où il a officiellement été inculpé pour sa tentative de renversement du résultat de l’élection présidentielle de 2020. Face à la juge Moxila Upadhyaya, l’ex-président républicain des Etats-Unis a plaidé non coupable.

Le Monde

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Le procureur spécial Jack Smith, qui diligente l’enquête depuis novembre 2022, avait dévoilé deux jours avant que le grand jury – un panel de vingt-trois citoyens, dont douze suffisent pour décider d’une inculpation –, réuni depuis plusieurs mois à Washington, avait approuvé quatre chefs d’inculpation contre l’ancien président :

  • complot frauduleux contre les Etats-Unis (diffusion de fausses informations sur la fraude et les machines à voter, pressions sur la justice et sur le vice-président pour l’inciter à rejeter les votes dans les Etats gagnés par Joe Biden, désignation de « faux grands électeurs » dans ces Etats) ;
  • complot pour priver les électeurs de leur droit de vote ;
  • complot pour faire obstruction à une procédure officielle ;
  • obstruction à une procédure officielle (la certification de la victoire de Joe Biden par le Congrès).
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L’acte d’accusation, long de 45 pages, suit le déroulé du rapport de la commission parlementaire sur l’assaut du Capitole de décembre 2022, qui avait réclamé des poursuites pénales contre l’ancien président après dix-huit mois d’investigation et plus de mille témoins interrogés. Le grand jury a, lui, pu entendre des témoins qui avaient refusé de se présenter devant la commission parlementaire, tel que l’ancien vice-président Mike Pence et l’ancien chef de cabinet de la Maison Blanche, Mark Meadows.

Preuves à l’appui, l’accusation s’attache à montrer que Donald Trump était conscient qu’il avait perdu l’élection et que les recours n’avaient pas de fondements légaux. Il avait notamment reproché à Mike Pence d’être « trop honnête » et tenté de lui faire croire que des « infractions électorales majeures » avaient été détectées par le ministère de la justice.

L’enquête a montré que lorsque M. Trump a échoué à persuader les responsables fédéraux à faire basculer frauduleusement l’élection en sa faveur, il a commencé, avec son équipe, à créer de fausses listes de grands électeurs dans certains Etats-clés, pour les imposer aux assemblées locales, avant transmission au Congrès pour certification. Ces certificats ont finalement été ignorés par les législateurs, mais si ce projet avait abouti, le républicain aurait pu conserver la Maison Blanche au détriment de Joe Biden.

L’accusation lui reproche aussi d’avoir « exploité » la violence et le chaos au Capitole dans l’après-midi du 6 janvier 2021 pour continuer d’essayer de convaincre les parlementaires de reporter la certification du vote de novembre 2020.

L’enquête sur le Capitole a déjà abouti à la poursuite pénale de près d’un millier d’émeutiers, et les premières condamnations ont été prononcées le 30 novembre 2022. Des membres des Oath Keepers, une milice d’extrême droite, ont été reconnus coupables de sédition.

A moins de six mois du début de la primaire républicaine, pour laquelle Donald Trump reste largement favori, le procureur Jack Smith a annoncé vouloir parvenir à un « procès rapide ». Une prochaine audience pour déterminer la date du procès a été fixée au 28 août.

Le recel de documents gouvernementaux classifiés à Mar-a-Lago

Procès programmé

En quittant la Maison Blanche, en janvier 2021, Donald Trump a emporté avec lui des cartons entiers de documents. Or, une loi de 1978 oblige tout président américain à transmettre l’ensemble de ses courriels, lettres et autres documents de travail aux Archives nationales.

Le service des archives s’est aperçu, dès le printemps suivant, de l’absence de certains documents et a réclamé à M. Trump leur restitution. Une demande restée lettre morte jusqu’en janvier 2022, quand l’ex-président a finalement rendu quinze cartons. A la réception de ces cartons, contenant notamment 184 documents « classifiés », les archives nationales ont demandé au département de la justice américain d’ouvrir une enquête.

En mai 2022, le département de la justice a officiellement demandé la restitution de tous les documents gouvernementaux. Après plusieurs auditions de témoins, la police fédérale a estimé que l’ex-président en conservait probablement d’autres dans sa luxueuse résidence de Mar-a-Lago (Floride).

Ses avocats ont alors remis, en juin 2022, un deuxième lot de documents au département de la justice, affirmant qu’il n’y en avait pas davantage. Mais des preuves obtenues par les enquêteurs fédéraux, notamment des images de vidéosurveillance de la villa, ont justifié une perquisition du domicile de M. Trump le 8 août 2022. Le FBI a alors mis la main sur trente-trois cartons supplémentaires, contenant plus de 11 000 documents gouvernementaux, dont 103 frappés du sceau de la confidentialité ; dix-huit étaient même classés « top secret ». Le mandat de perquisition évoquait alors une potentielle violation de la loi sur l’espionnage de 1917 − qui interdit toute collecte d’informations relevant de la sécurité nationale qui pourrait nuire aux Etats-Unis.

Selon le procureur spécial Jack Smith, chargé de l’instruction, des cartons ont été éparpillés à Mar-a-Lago dans différents endroits, notamment « une salle de bal, une salle de bains et douche, un espace de bureau, sa chambre et un espace de stockage ». Pour les enquêteurs de l’affaire Mar-a-Lago, l’obstruction est répétée et caractérisée, puisque M. Trump a suggéré à l’un de ses avocats de prétendre qu’il ne possédait pas les documents réclamés par les enquêteurs. Il est, en outre, reproché à M. Trump, ainsi qu’à deux de ses assistants (Walt Nauta et Carlos de Oliveira), d’avoir demandé à un employé de sa résidence de « supprimer des images de vidéosurveillance du Club de Mar-a-Lago pour éviter que ces images ne soient remises » à la justice.

Le 13 juin, Donald Trump s’est présenté devant un juge de Miami (Floride) pour se voir notifier trente-sept chefs d’inculpation – dont la « rétention illégale d’informations portant sur la sécurité nationale », l’« entrave à la justice » et le « faux témoignage » –, dont certains sont passibles de dix ou vingt ans de prison. C’était la première fois qu’un ancien président américain était inculpé au niveau fédéral. Trois nouveaux chefs d’accusation ont été ajoutés au dossier par la suite, pour la tentative d’effacement des images de vidéosurveillance. Le milliardaire a choisi de plaider non coupable.

La date du procès a été fixée au 20 mai 2024, deux mois seulement avant la convention d’investiture républicaine, pour laquelle M. Trump est favori. Mais les trois nouveaux chefs d’accusation ajoutés au dossier en juillet, liés à la tentative d’effacement des images de vidéosurveillance, pourraient retarder la procédure.

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Les paiements secrets de la campagne de 2016

Procès programmé

Donald Trump a été formellement accusé, mardi 4 avril, par le procureur du district de Manhattan, Alvin Bragg, d’avoir « orchestré » une série de paiements pour étouffer trois affaires embarrassantes avant l’élection de 2016. Il est visé par trente-quatre chefs d’accusation.

Le procureur a détaillé les versements qui sont reprochés à l’ancien président américain : un portier de la Trump Tower, qui prétendait avoir des informations sur un enfant hors mariage, a reçu 30 000 dollars pour garder le silence ; une femme qui se présentait comme une ancienne maîtresse a touché 150 000 dollars pour se faire discrète ; et enfin une actrice pornographique, probablement Stormy Daniels, a perçu 130 000 dollars pour taire une prétendue relation extraconjugale.

Donald Trump a plaidé non coupable. Après sa comparution, l’ancien président est ressorti libre du tribunal, sans contrôle judiciaire. La date du procès a été fixée au 25 mars 2024, mais le procureur a laissé entendre qu’il était prêt à faire évoluer son calendrier pour laisser la priorité à un procès fédéral dans un autre dossier.

Ouverte en août 2018 par le procureur du district de Manhattan, Cyrus Vance Jr., et reprise en main depuis l’été 2022 par son successeur, Alvin Bragg, l’enquête cherchait notamment à déterminer si l’ancien président républicain s’était rendu coupable d’une fausse déclaration, une infraction mineure, et surtout de manquement aux lois sur le financement électoral, un délit pénal, en ayant omis de mentionner dans ses frais de campagne électorale un paiement de 130 000 dollars (120 000 euros) à l’actrice et réalisatrice de films pornographiques Stormy Daniels, en 2016.

L’affaire a réellement émergé lorsque le Wall Street Journal a révélé, début 2018, que le milliardaire avait acheté le silence de Stephanie Clifford – le nom réel de l’ancienne actrice X Stormy Daniels – en concluant un accord confidentiel accompagné d’un virement bancaire de 130 000 dollars, exécuté le 26 octobre 2016 par son avocat et homme de confiance d’alors, Michael Cohen. L’arrangement prévoyait que Mme Clifford taise une supposée relation sexuelle qu’elle aurait eue avec Donald Trump en 2006 alors que celui-ci était marié à Melania Trump depuis un an. M. Trump a toujours nié cette liaison.

L’enquête s’est accélérée le 21 octobre 2018, lorsque M. Cohen a admis avoir arrangé le paiement pour M. Trump. L’ex-président avait initialement contesté avoir eu connaissance du paiement, avant de reconnaître avoir remboursé son avocat pour ce paiement, qu’il a qualifié de « simple transaction privée ». Si l’accord passé avec Stormy Daniels était bien autorisé, il pourrait toutefois correspondre à une dépense de campagne. Or, la somme n’apparaît pas dans les comptes du candidat de 2016 : elle a été inscrite comme « frais juridiques » dans les documents de l’entreprise Trump Organization. M. Cohen, qui a depuis plaidé coupable de violation des lois sur le financement électoral et a passé plus d’un an en prison, fait désormais figure de témoin central.

By Eduardo Carmona

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