Du paysagiste brésilien Roberto Burle Marx, le grand public sait, tout au mieux, deux ou trois choses. Qu’on lui doit le pavement de pierres, sensuel et balancé, ondulant le long de la plage de Copacabana, à Rio de Janeiro, au Brésil. Qu’il a contribué à l’édification de Brasilia, la capitale du pays sortie de terre en 1960, de concert avec l’urbaniste Lúcio Costa et l’architecte Oscar Niemeyer. Ou qu’il ne cessa d’alerter contre la déforestation de l’Amazonie, jusqu’à sa mort en 1994, à l’âge de 84 ans.
Nul ne connaît, en revanche, le nombre exact d’activités qu’il a exercées – il fut tour à tour botaniste, peintre, céramiste, tapissier, joaillier, cuisinier, chanteur lyrique, décorateur de théâtre… On ignore, plus encore, combien de jardins il a dessinés. Les estimations des spécialistes oscillent aussi sinueusement que les espaces qu’il a conçus : autour de mille, avancent certains ; près du triple, corrigent les autres.
Maigre certitude : Paris abrite les seuls jardins que Roberto Burle Marx a réalisés sur le sol européen. Il s’agit de six patios, nichés au creux du siège de l’Unesco, l’organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture, non loin de l’Hôtel des Invalides. Ils ont été inaugurés en 1963, deux ans avant que l’Institut américain des architectes ne salue le Brésilien comme « le vrai créateur du jardin moderne ».
Entre négligence et reconnaissance
Alternance de courbes et d’angles droits, formant de vastes à-plats de plantes, de pierres et d’eau, ces patios sont caractéristiques de l’art à la fois luxuriant et élémentaire de Roberto Burle Marx. Ils s’insèrent harmonieusement au bâtiment signé par une dizaine d’architectes internationaux, parmi lesquels deux de ses maîtres et amis, le Brésilien Lúcio Costa et le Franco-Suisse Le Corbusier. Très dégradés, mais bientôt en réfection, ils témoignent de la postérité paradoxale du paysagiste : ici laissée à l’abandon, là célébrée avec soin, son œuvre ne cesse de serpenter entre négligence et reconnaissance, dans son pays comme en dehors.
Ainsi, donc, des six patios parisiens. Des fissures strient les bassins ; les alimentations d’eau sèchent depuis belle lurette ; la végétation dépérit petit à petit. L’Unesco s’est saisie du problème, nous assure un porte-parole. Des experts diagnostiquent l’étendue des dégâts, préalable à une restauration en bonne et due forme, dans les mois à venir. L’institution est bien placée pour en mesurer toute la valeur. En 2021, elle a inscrit au Patrimoine mondial le « Sítio », où a vécu et travaillé Roberto Burle Marx, de 1949 jusqu’à sa mort. Un immense domaine, entre l’atelier d’artiste et la pépinière, qui s’étend sur 40 hectares, aux confins occidentaux de Rio de Janeiro.
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