En Colombie, la quête incessante des enfants perdus d’Armero, près de quarante ans après l’éruption du Nevado del Ruiz

https://assets-decodeurs.lemonde.fr/doc_happens/2309-vrai-projet-pour-prod-vivre-apres-la-catastrophe/structure.txt
https://assets-decodeurs.lemonde.fr/doc_happens/2309-vrai-projet-pour-prod-vivre-apres-la-catastrophe/data.txt

2023-09-25
revivre-apres-la-catastrophe-colombie
https://assets-decodeurs.lemonde.fr/doc_happens/2309-vrai-projet-pour-prod-vivre-apres-la-catastrophe/colombie.txt



A Bogota, la capitale colombienne, Sandra Perez dirige une entreprise de produits cosmétiques élaborés à base d’argile récoltée au pied des Andes. « C’est une boue miracle », explique-t-elle, en consultant, de temps à autre, son téléphone pour confirmer que le volcan du Nevado del Ruiz, dans la cordillère centrale, n’est pas entré en éruption. Depuis des semaines, la montagne grogne avec insistance et crache, à l’occasion, des colonnes de fumée gris et jaune. Les autorités, qui ont levé en juin l’alerte orange décrétée en avril, ne quittent pas des yeux leurs écrans de contrôle.

Une fumerolle s’élève du volcan Nevado del Ruiz, en Colombie, le 25 juillet 2023.

« Quel paradoxe, non ?, résume Sandra. La boue d’Armero m’a tout pris et elle a fait ma fortune ensuite. » Elle avait 13 ans quand, le 13 novembre 1985, une coulée de boue dévalant dans la nuit noire le flanc ouest du volcan a emporté la ville d’Armero, et son enfance. L’avalanche lui a arraché des bras sa petite sœur de 2 ans, elle a tué sa mère. « Broyée comme dans une bétonnière », la mâchoire et les poumons détruits, Sandra a été évacuée par le premier hélicoptère. « Juste avant de décoller, le pilote dit à la tour de contrôle : “Confirmé, Armero n’existe plus”, je n’oublierai jamais cette petite phrase, raconte-t-elle. Quand nous sommes arrivés à Bogota, les caméras de télévision nous attendaient. Une tante qui vit en Floride m’a vue à l’écran. C’est ce qui m’a sauvée : mon père, qui avait survécu lui aussi, m’a retrouvée. » Selon les autorités, 25 000 personnes sont mortes, ce jour-là. Peut-être plus. Et des centaines d’enfants, survivants, ont été séparés de leurs parents.

L’agonie d’Omayra

A la tête de la Fondation armando Armero (« refaire Armero »), qu’il a créée en 2012, Francisco Gonzalez tente encore aujourd’hui de retrouver ces enfants perdus « qui sont devenus adultes mais ont le droit de savoir qu’ils n’ont pas été abandonnés ». Journaliste de métier, il constate : « C’est un travail de recherche que les autorités auraient dû mener à l’époque. Comme souvent ici en Colombie, la société civile fait le boulot de l’Etat. » Et il raconte : « En regardant à la télévision les images du terrible tremblement de terre qui a frappé en février la Turquie et la Syrie, et en écoutant les journalistes dire que les enfants sortis des décombres étaient remis à leur famille, je me suis dit que rien n’a été appris. »

Près de trente-huit ans après le drame, Sandra reste convaincue que sa petite sœur a survécu. Mais elle ne veut pas faire de test ADN pour tenter de la retrouver. « Je préfère l’imaginer heureuse, quelque part », dit cette femme, à la tête d’une famille « super géniale » et d’une entreprise florissante.

Il vous reste 86.21% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

You may also like...