L’Afrique, prochain terrain de jeu du sport mondial ?

Enfin. Après cinq tentatives, le Maroc va accueillir des matchs de la Coupe du monde de football en 2030. Certes, le royaume ne sera pas l’unique hôte du tournoi – il y a aussi le Portugal et l’Espagne –, mais sa présence dans l’organisation de cette prestigieuse compétition porte en elle une charge symbolique : l’Afrique n’a pas été oubliée pour parfaire un tournoi qui célébrera alors son centenaire.

Après l’Afrique du Sud en 2010, une autre nation du continent va donc « unir » une partie du monde autour du beau jeu. Il était temps, car ce vaste territoire aux 54 pays reste encore trop négligé par les grandes instances sportives internationales. Hormis le Mondial – et la Coupe du monde de rugby en 1995 qui a eu lieu en Afrique du Sud –, aucune édition des Jeux olympiques ne s’est encore tenue dans cette région du globe, ni un seul championnat du monde d’athlétisme.

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Etrange constat alors même que l’Afrique est un pourvoyeur sans limite de talents et que d’illustres légendes – comme le marathonien éthiopien Abebe Bikila, le footballeur malien Salif Keïta et plus récemment le combattant camerounais Francis Ngannou – ont participé à écrire les plus belles pages du sport. Alors pourquoi un tel paradoxe ? L’instabilité politique dans certaines régions et le manque cruel d’infrastructures figurent parmi les raisons évoquées pour expliquer la défiance des plus éminentes fédérations à y organiser leurs événements en Afrique.

Toutefois, cette situation est en train de changer car dans un continent de 1,2 milliard d’habitants – dont 60 % de la population à moins de 24 ans, selon l’ONU –, le développement économique par le sport est devenu une évidence, sinon une nécessité. A la fois pour les pays et pour les instances comme la Fédération internationale de football (FIFA) qui a tenu en mars, pour la première fois de son histoire, son congrès en Afrique, à l’Arena de Kigali au Rwanda.

Une aide à la professionnalisation

Depuis plus de deux décennies déjà, le Maroc mise sur des infrastructures haut de gamme pour convaincre les grandes institutions de lui confier leurs compétitions et, au passage, étendre son influence à travers le sport. Avant d’héberger le Mondial en 2030, ce pays a réussi à accueillir à plusieurs reprises la Coupe du monde des clubs de la FIFA (en 2013, 2014 et 2022). Un tournoi de second plan mais qui rassemble les plus belles équipes de la planète comme le Real Madrid. Grâce à ses pelouses, le royaume permet à des sélections nationales comme le Burkina Faso – qui n’a pas de stade homologué – de jouer leur match « à domicile » à Marrakech.

De plus, la FIFA ou encore le Comité international olympique (CIO) reverse des millions de dollars chaque année à leurs fédérations membres afin de les aider à se professionnaliser davantage et participer au financement des infrastructures.

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L’Algérie s’est aussi lancée dans la construction de grands stades dans l’espoir d’organiser des compétitions internationales (comme les Jeux méditerranéens de 2022), le Sénégal aussi. En 2018, ce pays d’Afrique de l’Ouest a sorti de terre son Arena, l’une des plus grandes d’Afrique, à Diamniadio, ville nouvelle située à une quarantaine de kilomètres de Dakar.

Juste en face, les autorités ont inauguré en 2022 – en présence de plusieurs chefs d’Etat, notamment turc et rwandais – la « Tanière des Lions », son stade national considéré comme « le plus beau bijou de la sous-région », qualifié ainsi par Matar Bâ, alors ministre des sports. Une enceinte qui pourrait bien un jour recevoir un match d’ouverture de la Coupe d’Afrique des nations (CAN).

Retenir les talents sur le continent

Justement, un autre facteur permet d’accélérer la construction – ou la mise à niveau – d’infrastructures : candidater à ce tournoi. En effet, cette compétition, qui a lieu tous les deux ans, pousse les pays souhaitant l’accueillir à se doter d’au moins six stades. Tel a été le cas pour la Côte d’Ivoire qui abritera la prochaine CAN (du 13 janvier au 11 février 2024).

Certains y arrivent dans la douleur comme le Cameroun (en 2022), d’autres sont obligés d’y renoncer faute de moyens ou de changements politiques à l’instar de la Guinée qui s’est vue retirer l’organisation de l’édition 2025 pour être confiée au Maroc. Le cahier des charges de la CAN peut sembler contraignant, mais il oblige les Etats à se développer : construire des routes qui relient les stades, des aéroports pour accueillir le public, des hôtels pour loger participants et supporteurs…

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En outre, l’enjeu économique ne se limite pas à organiser ces événements de grande ampleur. En juillet 2018, le Bénin a, par exemple, lancé la construction de vingt-deux stades omnisports aux normes internationales pour « faire progresser le sport de haut niveau partout sur le territoire », explique Jimmy Adjovi-Boco. Selon le conseiller du ministre des sports de ce pays, « posséder des infrastructures de qualité va permettre d’améliorer les performances nationales dans le foot, le basket, le hand, le volley et l’athlétisme », espère-t-il.

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L’un des objectifs est de retenir les talents sur le continent afin qu’ils ne s’expatrient pas en Europe ou aux Etats-Unis. Jimmy Adjovi-Boco l’a compris depuis longtemps. Il y a vingt ans, il avait créé – avec Patrick Vieira et Bernard Lama – l’Institut Diambars, à Saly, au sud de Dakar, pour former l’élite du football sénégalais. Ce genre de centre de formation existe ailleurs comme en Côte d’Ivoire.

Une réussite impressionnante

Des pays pensent aussi au bien-être de leur jeunesse en construisant des terrains (football ou basket) dans les villes. Et la classe moyenne qui émerge souhaite également prendre soin de son corps dans des salles de sport modernes. Celles-ci se multiplient un peu partout sur le continent. « Investir dans le sport, c’est éviter la bombe sociale de demain », a résumé au Monde Matar Bâ. Sans oublier que la pratique du sport a permis d’affranchir des générations de femmes, de casser des clichés et de forcer les hommes à admettre leurs performances.

Face à cette évolution, certaines organisations s’intéressent désormais de près à l’Afrique. Ainsi, en 2018, le CIO a choisi de confier ses quatrièmes Jeux olympiques de la jeunesse à Dakar en 2026 afin de « placer [cet événement] au cœur de la transformation de l’Afrique ». L’UFC, la puissante organisation américaine de MMA, souhaite organiser des combats dans ce coin du monde prochainement. Et il y a trois ans, la NBA, le prestigieux championnat américain, a lancé la Basketball Africa League (BAL), un tournoi regroupant des équipes de douze pays, afin d’y créer une véritable industrie et de faire de l’Afrique son nouveau terrain de jeu.

La réussite est impressionnante et commence à donner une autre image du continent dans le monde. L’Afrique, terre de toutes les « opportunités » comme l’a dit le Sénégalais Amadou Gallo Fall, président de la BAL. Mais avant d’espérer des retombées économiques et sportives qui semblent illimitées, il rappelle que « l’investissement [est] considérable ».

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