Le ton est calme, solennel. « Je veux apporter de la tranquillité, l’Argentine ne va pas utiliser un seul dollar de ses réserves pour payer son échéance d’aujourd’hui », assure le ministre de l’économie du pays, Sergio Massa (centre-gauche), lundi 31 juillet, l’index gauche en l’air accentuant son message. Surprenant propos, alors que ce jour-là Buenos Aires doit honorer le paiement de 2,7 milliards de dollars (2,4 milliards d’euros) auprès du Fonds monétaire international (FMI). Aux abois, avec des réserves totalement à sec, le pays a finalement trouvé une formule acrobatique pour faire face à l’échéance sans dépenser ses précieux billets verts : un prêt-relais de 1 milliard de dollars auprès de la Banque interaméricaine de développement et un montant en yuans équivalent à 1,7 milliard de dollars, inclus dans un échange de devises avec la Chine.
La monnaie chinoise a été utilisée pour la deuxième fois, et ce en l’espace d’un mois, afin d’honorer un versement auprès du Fonds. Le signe que la Chine se pose en prêteur de dernier ressort, bâtissant son influence financière. Quelques jours plus tard, vendredi 4 août, l’Argentine suscite la surprise : le règlement de près de 800 millions de dollars d’intérêts s’effectuera par un prêt venu du Qatar. Une première. Les versements se font toujours plus acrobatiques, jetant la lumière sur une économie hagarde et un pays plongé dans l’incertitude, en constante négociation avec l’institution sise à Washington.
Ces versements s’inscrivent dans le cadre du prêt de 45 milliards de dollars contracté en 2018 auprès du FMI, objet d’une renégociation en mars 2022, faute de solvabilité de l’Argentine. Si les échéances ont été ajournées à 2026, l’accord repose en réalité sur l’étrange mécanique suivante : en attendant le remboursement définitif du prêt, le FMI effectue des avances (soumises à intérêts) à l’Argentine, lesquelles servent à honorer les échéances payées au… FMI. Ces avances sont conditionnées au respect d’objectifs économiques révisés chaque trimestre.
« Un FMI beaucoup moins souple que l’année dernière »
Aussi, le 28 juillet, un accord a été annoncé – il doit être soumis à l’approbation du conseil d’administration du FMI – afin de permettre une avance de 7,5 milliards de dollars à l’Argentine. L’accord ouvre la voie à la révision des objectifs. « D’autant que si, en 2022, l’Argentine a généralement pu tenir ses objectifs, ce n’est plus le cas cette année, notamment en matière de réserves de devises et de déficit primaire [hors intérêts de la dette] », souligne Santiago Manoukian, économiste au sein du cabinet Ecolatina. Cependant, même modifiés, « les objectifs restent difficiles à respecter. On observe cette année un FMI beaucoup moins souple que l’année dernière », poursuit l’économiste. L’accumulation de réserves est ainsi fixée à 1 milliard de dollars d’ici à la fin de l’année (contre 8 milliards lors de la précédente révision). Un nouvel horizon qui semblerait raisonnable si la Banque centrale ne présentait pas des réserves nettes négatives de 8 milliards de dollars, selon les cabinets privés, l’institution ne communiquant pas ses réserves nettes.
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